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Traumacoma
12 avril 2013

Baiser ta bouche

 Horrible. Délices. Rachelle dans ma tête. Rachelle dans mon sang. Ses bras sont un gouffre dans lesquels je me perds chaque jour. Un peu plus, et il ne restera de moi qu’elle. Tout, autour de moi prend son apparence. J’aime ça. Mais j’ai aussi l’impression de me disperser. J’aurais voulu savoir me passer d’elle. De son visage ressemblant au mien. A travers elle, c’est moi que j’ai l’impression d’aimer. J’aime son petit corps. Ce corps dont j’ai suivi l’évolution depuis mon jeune âge. Depuis son jeune âge.  Sans trop savoir au début ce qui naissait en moi. J’aime ses yeux malicieux qui sondent le moindre désir chez moi. Ses petites dents se refermant doucement sur ma lèvre supérieure. Sa bouche, toujours à l’affût de la mienne. Sa bouche aspirant mon désir jusqu’à ce que je perde la tête. Tout un corps  carnivore à l’image du mien.  Si j’avais été au début dégouté par ce qui venait à nous, la langue de Rachelle sur ma peau a fini par noyer ce goût immoral d'inceste. Bientôt il ne resta plus qu’un désir de s’exhiber au grand jour pour nous faire accepter.
Je me souviens encore de l’expression du visage de ma mère quand elle nous a surpris la première fois. L’horreur. La déception, après. Et le châtiment. Déception pour moi. Châtiment pour elle. Mes parents, en bons catholiques  pensaient que la seule coupable, c’était elle. Parce que c’est une fille. Une femme. Je ne comprenais pas pourquoi elle était plus coupable que moi. Son désir a toujours été égal au mien.  De plus, il suffisait que je frôle sa jupe pour que la braise s’anime. Depuis toujours. On a été deux à s'engager sur cette voie condamnée. on ne force pas une porte déjà ouverte.
Que mes parents ne m’aient que vaguement associé  au crime de Rachelle me frustrait. Ils pensaient que je m’étais juste montré faible. Et décevant. Pas totalement innocent, mais pas tout à fait coupable non plus. Ils n’imaginaient pas à quel point j’étais coupable. A quel point j’avais cherché ce qui a toujours été entre nous. Ils n’imaginaient pas mon soulagement quand ils ont tout découvert. Aussi, ils étaient loin de s’imaginer ma contrariété quand ils nous avaient interrompus. Je tenais presque sa vie entre mes mains. Je mouvais entre ses reins, les mains enroulant une longue mèche autour de son cou frêle. Je tirais dessus par moment pour le plaisir de l’entendre gémir. Sa fragilité aiguisait mes sens. Elle me défiait du regard. Elle  me défiait de l’expédier au seuil de la mort et de la faire revenir pantelante.
Je n’ai pas su la protéger quand ils l’ont trainée par les cheveux, tout au long du couloir, de ma chambre vers la sienne. Je me souviens surtout de la main rageuse de mon père. Une main-araignée hargneuse sur sa tignasse noire. Je n’ai pas su la défendre quand ils l’ont rouée de coups non plus. Elle n’a pas protesté. J’en étais fier. J’en avais fait une femme. Elle avait fait de moi un homme. Son homme.  Rachelle n’a pas crié. Elle ne crie que dans mes fantasmes. Elle ne crie que dans mes bras d’amant. Un amant qu’elle a longtemps nourri de son sein vide, gonflé d’amour. J’aurais voulu le dire à notre père, mais il en était indigne. J’aurais voulu le dire à ma mère, mais elle était trop concentrée sur « le malheur qui frappe à sa porte » comme elle le disait. " Leur" malheur. Un malheur qui ne me touche pas, que je ne vois pas. Trop éclipsé par la bouche de Rachelle. Aujourd'hui encore, il semble glisser sur la chute de reins de Rachelle, jusqu'au pied de notre lit. Il nous observe dans nos ébats, mais ne dit mot. Qu'a-t-il donc à nous dire, que nous puissions comprendre? Rien. Tout un langage différent du nôtre.

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